LE CINÉMA ORNEMENTAL

Carte blanche à Philippe-Alain Michaud

12 - 14 MARS 2008

Lorsque l'on cesse de considérer l'écran de cinéma comme une fenêtre ouvrant sur une profondeur fictive pour l'envisager comme une surface d'inscription et que l'on privilégie la dimension plastique de l'image filmique au détriment de sa dimension documentaire et réaliste ; lorsque l'on met en question le présupposé implicite qui fait du cinéma une ouverture de la photographie au mouvement et au temps pour ne voir dans la prise de vue réelle qu'une application possible du film, alors le cinéma se révèle moins comme un art de la figure que comme un art du champ et de la ligne, c'est-à-dire comme un dispositif ornemental. (P.-A. Michaud)

Philippe Alain Michaud est conservateur, en charge des collections cinématographiques du musée national d'art moderne - Centre Pompidou. Il est l'auteur de Aby Warburg et l'image en mouvement, Paris, Macula, 1998, Le peuple des images, Paris, Desclée de Brouwer, 2002, Sketches. Histoire de l'art, cinéma, Paris, Kargo-L'Eclat, 2006. Il a été le commissaire de l'exposition Comme le rêve le dessin, musée du Louvre-Centre Pompidou, 2004 et de l'accrochage des collections permanentes du musée national d'art moderne, Le mouvement des images, Centre Pompidou, 2006.

Mercredi 12 mars – 19h30
Presque monochrome

Nathaniel Dorsky, Pneuma, Etats-Unis, 1977-1983, 16 mm., 28 min.
Nathaniel Dorsky, Alaya, Etats-Unis, 1976-1987, 16 mm., 28 min.

Nathaniel Dorsky est l'un des représentants majeurs de l'Ecole expérimentale de San Francisco. Depuis les années 60, il construit une œuvre en toute indépendance et sur la longue durée (la réalisation d'un film de quelques minutes peut lui demander vingt ans). Les films de Dorsky sont pour la plupart conçus pour être projetés à 18 i/s, et sont par conséquent silencieux. Projetés à 24 i/s, à la vitesse du cinéma sonore, ils sont privés de leur qualité méditative auratique. Dorsky cherche à maintenir ses images au seuil du scintillement, qui est aussi celui de l'illusion cinématographique : « C'est la relation directe entre la lumière et le spectateur qui m'intéresse. L'écran change en permanence ses propriétés : de fenêtre, il se transforme en champ d'énergie flottant et en simple faisceau de lumière projeté sur un mur. Le silence permet à ces transitions qui sont à la fois poétiques et sculpturales, de se développer et d'être perçues.
Les images de Pneuma proviennent d'un stock de pellicules périmées développées sans avoir été exposées : aux yeux de Dorsky, chacune présente une qualité émotionnelle particulière ; Alaya, alternant plans d'ensemble et plans tournés au macro-objectif, a été tourné dans les dunes de sable qui bordent la côte du Pacifique au sud de San Francisco : le grain de sable devient métaphore du grain de la pellicule.

Jeudi 13 mars – 19h
Ornementalisme trash

Jack Smith, Normal Love, Etats-Unis, 1963, 105 min.

Jack Smith, grande figure pré-warholienne du Lower East Side, dans son cinéma, a cherché à donner une interprétation travestie de l'histoire du cinéma, choisissant ses modèles d' « impersonating » dans le panthéon hollywoodien (Marlene Dietrich, Maria Montez, Yvonne de Carlo...) Mais au-delà de la référence cinématographique, ses films sont traversés par une problématique ornementale dont les origines sont à chercher dans la peinture vénitienne, en particulier dans le système visuel de Véronèse, dont les tableaux conservés à la Frick Collection et au Metropolitan avaient particulièrement impressionné le cinéaste. Après le scandale déclanché par Flaming Creatures « Je passais l'été à la campagne, déclarait Jack Smith, à filmer un merveilleux film en couleur rose et vert qui sera sans aucun doute la quintessence du kitsch (pasty). Tous les personnages portent des tenues de soirée roses, minaudent et fixent la caméra. »

Vendredi 14 mars – 19h
Le champ, le motif

Hannes Schüpbach, Spin, 2001.
Hans Richter, Rythmus 21, Ger., 1921-24, 2'10 min.
Germaine Dulac, Arabesque, France, 1928, 7 min.
Len Lye, Color Box, Etats-Unis, 1935, 2'50 min.
Harry Smith, Early Abstractions, Etats-Unis, 1939-56, 23 min.
Robert Breer, A Man and his Dog out for Air, Etats-Unis, 1957, 2min.
Bruce Conner, Breakaway, Etats-Unis, 1966, 5 min.
Robert Breer, LMNO, Etats-Unis, 1978, 10 min.
Hannes Schüpbach, Spin, Suisse, 2001, 12 min.

Imbrication des surfaces (Hans Richter), réduction des objets à l'agencement rythmique de contrastes et de reflets (Germaine Dulac), superposition de trames et géométrisation de la couleur (Len Lye), impression de motifs inspirés de la technique des batiks (Harry Smith), lignes tracées au hasard qui se résolvent en figures imprévisibles (Robert Breer), constructions en miroir et symétries inversées (Bruce Conner), le montage pensé comme un tissage (Hannes Schüpbach) : un balayage de l'histoire du cinéma expérimental à la lumière des techniques ornementales du traitement des surfaces.

INFORMATIONS PRATIQUES

UNE SÉANCE :
Prix normal : 10.-
Prix réduit: 6.-

Dans le cadre de la manifestation «Rencontres cinéma art contemporain» organisée par la Haute école d'art et de design, (HEAD – Genève), du 11 au 15 mars 2008 :

Mercredi 12 mars / James Fazy / 18h00
CONFERENCE DE PHILIPPE-ALAIN MICHAUD

Samedi 15 mars / cinéma Bio / 12h15
Aperçu de la collection du Centre pour l'image contemporaine, sur une proposition de François Bovier (HEAD – Genève)
Les films de ce programme appartiennent à la collection permanente du CIC (Centre pour l'image contemporaine/Saint-Gervais Genève), partenaire des «Rencontres cinéma art contemporain».

www.hesge.ch/head