26 – 28 FÉVRIER 2008
Déambuler: à propos d'une collection
A l'occasion de l'exposition dédiée à Marie José Burki, nous présenterons une programmation de vidéos et de films d'artistes, dont les premiers travaux de Marie José Burki, coproduits par le Centre pour l'image contemporaine. Une thématique traverse l'œuvre de Marie José Burki : la déambulation. Celle qui permet au regard de flâner et de construire une fiction, un imaginaire à travers les rêveries. C'est aussi l'idée de déplacement des formes, des concepts, et en fin de compte de soi-même. Dans ce déplacement, le sujet est en errance de lui-même ; c'est précisément lorsque le corps est en situation d'avoir à trouver sa place que cette dernière notion se dissout. C'est cette aspiration à trouver notre place qui nous motive à nous mouvoir. Pour reprendre la formule de Jean-Luc Nancy : Je bouge lorsque je ne suis pas là où je suis. 1
Les œuvres filmiques présentées dans ce programme sont issues pour l'essentiel de la collection du Centre pour l'image contemporaine qui possèdent aujourd'hui plus de 1700 titres. A travers cette programmation, le public aura l'occasion de déambuler parmi les œuvres de cette collection, la plus importante de Suisse et consultable dans notre médiathèque.
1 Jean-Luc Nancy et Abbas Kiarostami, L'Evidence du film
Mardi 26 février – 19h
Rosa Barba, Outwardly from Earth's Center, 2007, 24 min.
L'histoire d'une île en voie de disparition. Les habitants mettent tout en œuvre pour contrer le destin ; ils combattent les éléments naturels pour assurer leur avenir. Une histoire de coutumes locales, de croyances, de drames personnels, et la crainte pour une communauté de se voir balayée par les forces de la nature. Comme dans ses travaux précédents, Rosa Barba ne respecte pas la chronologie, mais tente plutôt de recenser tous les éléments qui ont un rôle dans la situation donnée. C'est au spectateur de créer le lien entre les différentes parties pour rendre l'histoire cohérente.
Jonah Freeman, The Franklin Abraham, 2003, 55 min.
Une métaphore urbaine filmée au sein d'un bâtiment aux allures tentaculaires. La caméra erre dans des couloirs sans fin et nous offre, au fil de ses rencontres, la perspective voyeuriste et indifférente d'une communauté marquée par le capitalisme.
«The Franklin Abraham» est le résultat d'un ambitieux projet immobilier qui s'est étendu sur plus de 200 ans. C'était au départ une tour résidentielle dans le style moderne-rococo qui s'est développée au fil du temps en une monstruosité architecturale totalement hybride. Un détail crucial à connaître: ce complexe immobilier n'est que pure fiction montée de toutes pièces par l'artiste. Le film issu de ce projet offre un regard subjectif sur la société actuelle à travers la vie d'usagers fictifs de ce bâtiment. La structure cinématographique du film est calquée sur la nature diffuse du bâtiment. On découvre par exemple dans cette micro-ville les fragments d'intimité d'une adolescente désabusée, d'une fonctionnaire timide en rendez-vous avec un don juan cynique ou d'un gang squattant les sous-sols du bâtiment.
Mardi 26 février – 21h
Sophie Calle, Double Blind (No Sex Last Night), 1992, 76 min.
Un road movie intimiste à travers les Etats-Unis, menant Sophie Calle et Greg Shepard en Cadillac de New York à Las Vegas. Le spectateur assiste à l'évolution de cette relation qui aboutit à un mariage. Double Blind raconte donc plusieurs histoires, celle de Greg Shepard en pleine dépression nerveuse, amoureux d'une autre femme, se sentant embarqué un peu contre son gré dans ce périple. Sophie Calle a, quant à elle, décidé de ce voyage, de sa destination et de l'une de ces étapes: un mariage à Las Vegas. Le film se situe dans une perspective confinant au documentaire, documentaire de l'intime puisqu'il est censé suivre l'évolution d'une relation que Sophie Calle aurait espérée amoureuse. Mais l'histoire n'adopte pas ce cours. Très vite elle prend conscience de ce qui la sépare de Greg Shepard, de la précarité de leur relation qui contrairement à ce qu'on pourrait attendre ne s'approfondit pas. Ils ne deviennent pas intimes, même s'ils partagent l'habitacle de la voiture la journée et le même lit la nuit. Leurs réveils sont scandés par l'invariable commentaire au matin de Sophie Calle: "No sex last night".
Mercredi 27 février – 19h
Marie José Burki, Celui qui a vu passer les éléphants blancs, 1986, 11 min.
Plusieurs questions liées à l'image en mouvement sont abordées : l'espace de l'image, la durée d'un plan et la construction narrative.
Burki interroge l'espace de l'image par l'omniprésence du hors champ figuré par l'emploi récurrent des fenêtres et des plans qui tronquent la tête des personnages. La présence d'un escargot traversant le champ visuel soulève la notion de durée d'un plan, alors que la construction d'une histoire avec des images, des mots et des sons, est d'abord mise à plat dans les trois premiers quarts de la bande. Dans un deuxième temps, l'artiste fait la démonstration d'une narration en élaborant une mini-fiction finale, dont la chute démontre que le réalisme narratif n'est qu'une convention parmi d'autres; mais la violence des images empruntées tant à la télévision (journaux) qu'au cinéma (duels, poursuites, armées en mouvement) est une métaphore de la violente contrainte que les conventions culturelles font peser sur l'art.
Marie José Burki, Reading over and over, 1990, 10 min.
Directement liée à l'expérience de l'expatriation, ce travail parle d'abord de géographie et d'histoire, dans ce lieu mythique de l'immigration qu'est New York. En mêlant la préhistoire américaine, avec toute sa charge de mauvaise conscience liée au massacre des Indiens, la Vienne d'avant-guerre du roman de Musil L'Homme sans qualités, avec tout ce qu'il a pu représenter pour la pensée européenne moderne, et ses propres visions de New York, Marie José Burki réussit à passer d'une expérience personnelle assez banale à un questionnement des lieux communs de la culture, à une mise en rapport sensible du savoir et de la nature, en soulignant sans lourdeur la violence historique du passage d'un état à un autre. Le paysage, traité comme un champ vide et neutre, est une métaphore extrêmement puissante de la problématique de l'espace.
Marie José Burki, Sometimes, Some of Them, Here, 2008, 30 min.
Dernière production de Marie José Burki, ce film nous plonge dans un problème de société très actuel. Des requérants d'asile évoquent le déplacement migratoire que les circonstances de la vie leur ont imposé. Un panorama morcelé de la géographie mondiale se dessine dans l'esprit du spectateur.
Mercredi 27 février – 21h
Clemens Klopfenstein, Transes - Reiter auf dem toten Pferd, 1980-81, 87 min.
Description au moyen de la caméra de ce moment grisant de la partance. De longues prises de vue depuis une voiture ou depuis un train exercent une fascination libératrice sur le spectateur.
C'est un voyage subjectif de la caméra entre transe et souffrance, qui va encore plus loin que Geschichte der Nacht, un film souvent qualifié de précurseur des films réalisés selon les principes du Dogme.
Jeudi 28 février – 19h
Pauline Julier, Outo Hiljaisuus, 2006, 9 min., sound: Xavier Lavorel
Observer la réalité environnante et faire appel à un état impalpable : l'étrangeté. Une attention flottante, une longue suspension où peut se développer le regard et s'installer le temps.
La confrontation de registres et de qualités d'images différents leur permet de dialoguer entre elles, de se détacher de leur signification première et immédiate pour s'éloigner de la seule transmission d'informations ou de savoirs et créer autre chose qu'une interprétation. Une femme avance. Il y a un bruit sourd, lourd. Vient ensuite la glace, lente. Une petite fille joue, après l'image de la femme aux cheveux rouges dans un tram. Tout est étrange. Le bruit reprend. La femme marche encore, ponctuation temporelle, mesure peut-être.
Enrique Fontanilles and Tadeus Pfeifer, Hundred Years and Ten Minutes, 1995, 10 min.
La caméra glisse le long du Gange à Benares, la ville indienne où la réalité dépasse toute illusion.
Le premier film de l'Histoire a été montré en public le 28 décembre 1895 au Salon indien du Grand Café sur le boulevard des Capucines. Aujourd'hui, l'Inde est le pays qui produit le plus de films. Cent ans après cette première projection, dix minutes de vidéo sans montage sont dédiées à ce premier tournage des Frères Lumière.
Ken Kobland, Arise! Walk Dog! Eat Donut!, 1999, 30 min.
Des paysages urbains que Ken Kobland avait filmé 20 ans plus tôt, tels que ceux des métros de New York et Berlin.
Ces vues cadrées par la caméra sympathique et sardonique à la fois de Kobland sont soulignées par les extraits d'une ballade russe, qui raconte la banalité et le désespoir sous-jacent de la routine.
Sebastian Diaz Morales, The Man With the Bag, 2004, 39 min.
Un homme marche dans un paysage désertique, portant un sac contenant tous ses effets. Il se heurte toujours à la même pierre, échappe à ses peurs, à un son qui n'est jamais matérialisé. Traversant des limites, il avance toujours dans la même direction.
Cette histoire simple inclut, comme une métaphore, une partie des fondements de l'existence humaine. Le spectateur se trouve quelque part entre l'homme et ses poursuivants, partageant ses angoisses et sa paranoïa. Que cherche à fuir cet homme ? Et que signifie cet écran partagé en deux qui rend le point de fuite littéralement fuyant ?anoia. What is the man looking to flee? And what is the significance of the screen divided in two, which renders the vanishing point literally vanishing?
Jeudi 28 février – 21h
Martijn Veldhoen, Public Spaces, 2006, 11min.
Un regard sur l'évolution de la perception de l'espace public. Un espace devenu menaçant, plus aussi sûr qu'avant.
A une époque, l'espace public était un concept clair, une sorte de médium démocratique, un lieu d'échange accessible à tous. Aujourd'hui, les choses ont changé. Grâce aux systèmes de communications mobiles, l'espace privé est sorti de sa sphère, il s'est répandu partout, réduisant d'autant l'espace public. Aujourd'hui, l'espace public a tous les attributs du vide, il aspire ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas avoir accès au monde globalisé. Le ton du narrateur est calme, contemplatif. Le mot "Bombe" est écrit sur un mur, comme un graffiti. La caméra s'attarde sur une station de métro, sur une gare et un marché, des "lieux coupables". Impossible de voir les "suspects habituels", mais la sensation de danger et le sentiment de paranoïa existent. Le temps avance, imperturbable. Un destin, funeste, s'approche.
Roman Signer, Action avec une mèche, 1990, 26 min. (a film by Peter Liechti)
Du 11 septembre au 15 octobre 1989, Roman Signer pose une mèche à explosif, qu'il laisse se consumer, à partir de sa ville natale d'Appenzell jusqu'à son domicile actuel à St. Gall, soit sur une distance d'une vingtaine de kilomètres.
A chaque point d'assemblage de la mèche, le feu, en avançant, allume une brève flamme pointue, pour reprendre ensuite son parcours tranquille à l'intérieur du cordon qu'il consume. En passant constamment de la violence lors de l'explosion à l'imperceptible progression de la braise dans la mèche, l'artiste reconstruit l'espace et le temps. Dans ces dimensions pourtant mesurables avec une précision technique, il introduit une subjectivité entièrement nouvelle. De la concentration extrême à l'extension infinie, de la violence instantanée à la durée douloureuse. "L'altération d'un état me fascine au plus haut degré. Lorsqu'un mouvement lent s'inverse brusquement, comme dans le cas d'une explosion, ainsi la combustion lente de la mèche et subitement l'éclatement. C'est vraiment une sculpture, une sculpture temporelle, une combinaison de l'extrêmement lent et de l'ultra rapide." La sculpture "Aktion mit einer Zündschnur" ne se borne pas à exprimer formellement le thème du cheminement qui structure l'espace et du temps; Roman Signer la conçoit aussi comme une métaphore du voyage, de la vie qui va, tout simplement.
Marina Abramovic & Ulay, The Lovers: Boat Emptying, Stream Entering, 1988, 31 min.
Marina Abramovie & Ulay décident de marquer la séparation de leur couple par une performance : partant chacun d'un bout de la Muraille de Chine, ils se retrouvent, s'embrassent et se séparent. empruntant chacun leur propre chemin.
Après avoir marché pendant 90 jours, ils se retrouvent à Er Lang Shan dans la province de Shaanxi. Leur cérémoniel d'adieu reflète le reste de leur travail en commun qui a toujours fait appel à des actions ritualisées, à la mythologie et à la pensée orientale. La performance a été filmée par Murray Grigor pour la BBC, avec comme résultat un documentaire intitulé 'The Great Wall: Lovers at the Brink', dont il existe deux versions, une longue et une courte. Dans cette vidéo, Marina Abramovic livre son propre compte-rendu de l'événement.
UNE SÉANCE :
Prix normal : 10.-
Prix réduit: 6.-