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Karen Andreassian, La datcha de la famille Mekertoumian, Voghchaberd, novembre 2003 |
Karen Andreassian, La datcha de la famille Mekertoumian, Voghchaberd, décembre 2003 |
Karen Andreassian met en scène un projet entrepris depuis mars 2003. L’objet de l’observation et de la recherche est le village de Voghchaberd situé à 10 km d’Erevan. A l’époque brejnévienne, c’était un village prospère et prestigieux, où les "apparatchiks" contruisaient volontiers leurs datchas. L’histoire récente du paysage du village a coïncidé avec deux phénomènes: d’une part, l’effondrement de l’Union Soviétique et d’autre part, le cataclysme naturel, l’éboulement. Pendant son développement historique il y avait déjà eu plusieurs tentatives de déplacer le village à un autre endroit.
C’est sur le double constat du caractère mouvant de ce lieu et de la volonté des habitants d’y rester que Karen Andreassian a amorcé son projet, en déplaçant le village dans un espace électronique: <www.voghchaberd.am>. Le site web est un processus destiné à être poursuivi par cette collectivité locale. Il fonctionne comme une pré-face, plutôt qu’une inter-face, tout en étant aussi une partie intégrante de l’exposition. Les images vidéo et photos de cette exploration / expédition sont comme le fil conducteur de la représentation de la durée: c’est bien la réalité de la durée qui relie les phénomènes géophysiques et les phénomènes socio-politiques.
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Karen Andreassian, Le cimetière, Voghchaberd, décembre 2003 |
Karen Andreassian, Hrach Nahapetyan, Voghchaberd, décembre 2003 |
Le village de Voghchaberd concentre sur lui à la fois la permanence dune instabilité géologique (glissements de terrain) et les conséquences des bouleversements politiques du 20e siècle (première guerre mondiale, génocide de 1915 , soviétisation, stalinisme, 2e guerre mondiale, et enfin chute de lURSS, séisme de 1988, guerre du Karabagh). Les glissements de terrain actuels peuvent donc être vus comme un symbole concret, non seulement de létat de crise permanente de lArménie au 20e siècle, mais surtout de sa capacité dadaptation. Il se trouve que la cause des glissements de terrain, lhumidité du sous-sol, constitue en même temps celle de la fertilité des terres du village. Cet état de fait crée les conditions dune relative stabilité socio-économique dans linstabilité même. Cest ce qui explique quils soient nombreux à refuser les offres de relogement du gouvernement. Cette " stabilité instable " fait émerger de nouvelles formes dhabitat qui mettent en cause la manière traditionnelle dériger quatre murs en pierre. Les " Voghchaberdtsi " inventent ainsi une façon de vivre dans un environnement changeant qui est plus que de la survie. Il y a donc une vie, et même une prospérité possible, dans lexposition au danger, dans la contingence ; cest bien du fait dune humanité simple, qui fait avec ce quelle a à disposition. On est toujours après une catastrophe, et on comprend quil est vain de projeter un état stable qui succéderait à la " transition ".
Présenter le projet de Voghchaberd à travers un dispositif documentaire donne une possibilité douverture à lhistoire et à ses fractures. Des images qui parlent de lautre côté de la grande histoire, qui évoquent la mémoire de lAutre. Mettre laccent sur cet autre de lhistoire veut dire "configurer un monde, une quantité de mondes possibles dans le monde", transformer le monde plutôt que de linterpréter, ce qui implique de le ressaisir hors de la représentation.

Karen Andreassian, Voghchaberd, 2003
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