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Gianni Motti, Buenos Aires-Plaza de Mayo, 2002. Photo: Esteban Pagés
Gianni Motti a la nonchalance philosophique, la goguenardise plutôt douce, bien quimplacable. Laccent joue son rôle: son attitude artistique, comme son attitude tout court, fonctionne autant au charme que sur une démarche préconçue, critique, alerte, dénonciatrice, mais aussi joueuse et voyou. Passé maître dans lart de lappropriation, copiste singulier, il est un adepte du leurre. Doucement terroriste dans sa manière, il peut revendiquer par le biais des médias lexplosion de la navette Challenger (son jet de fumée spectaculaire ) ou un tremblement de terre en Californie.
Les comparatifs que lui attribuent les critiques sont, à bien y regarder, franchement flatteurs : badaud professionnel, passager clandestin, bonimenteur, artiste putassier etc. Le plus réussi peut-être est celui que lui donne Marc-Olivier Wahler, lactuel directeur du Swiss Institute de New York. Cest au Lieutenant Columbo quil le mesure: sorte de Monsieur Tout Le Monde qui se promène, affûte sa curiosité au gré de la conversation (élevée au rang de grand art), se fie autant à son flair (quil a comme par hasard fort développé) quau hasard des circonstances. Un peu à la manière du lieutenant, il développe des manuvres dinfiltration, élabore des réseaux parallèles et fausse les règles de visibilité. Pour Marc-Olivier Wahler, "Il ne se place plus face au paysage tel un surhomme romantique. Il se glisse à lintérieur du spectacle." Autant de stratégies dont le résultat revient toujours à sinterroger sur le fond, et surtout sur le fonctionnement de notre monde, et plus particulièrement celui de lart, des médias et des images.
Au Centre pour limage contemporaine, plusieurs vidéos inédites à Genève seront éparpillées dans lespace autour dune nouvelle installation dont évidemment on ne peut rien dire à lavance. Les vidéos ? Gianni médiatise (et gère ?) un hold-up, Gianni suit un match de foot depuis lintérieur dun taxi de Bogota, Gianni réunifie un groupe punk italien mythique des années septante (the Bloody Riot) à la villa Médicis, Gianni joue le jeu de Paris Première, Gianni gisant ressuscite au milieu dune foule de pèlerins qui croit assister à un miracle (et le mort se taille en douce).
En préambule à lexposition, lartiste veut tenter de réitérer dans les quotidiens genevois une expérience qui la ravi avec des journaux dailleurs. Il sagit de suivre les photographes dune rédaction pendant quelques jours et de se glisser subrepticement dans le cadre de limage. Le lecteur du journal distrait ny verra que du feu. Mais si lon y prête un peu plus attention, on saperçoit quun même personnage sest introduit aussi bien dans la rubrique «Société», que dans la «Locale» ou la «Scientifique», souvent en arrière-plan, parfois sans scrupule, parfaitement en vue, avec toujours la même tête ébouriffée et le même pull marin : Gianni Motti sape ainsi toute vraisemblance à ces images censées simplement refléter le réel. Gianni : " Un jours, jaimerais fabriquer un journal avec toutes ces photos. Et dans la page «Culture», je mettrais un article sur moi.» Lartiste observateur se laisse observer et suscite ainsi quelques bonnes questions sur lutilisation des images quil ne manque pas bien sûr de signer. Il enfonce le clou et paraphe son appropriation.
Quil installe un tapis rouge, une limousine et deux gardes suisses à lentrée du Swiss Institute à New York, quil sempare dune affiche de Felix Gonzales-Torres en y imprimant "thank you", au-delà des rapprochements grinçants quil provoque et des questions quil soulève, Gianni Motti élabore, pour citer Jean-Max Collard "une uvre qui consiste simplement à faire le plein usage de sa liberté". (cc)
Curriculum Vitae
Gianni Motti vit à Genève. Il mène une vie exemplaire.
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