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Les décors, les personnages, les situations filmés attirent par leur ressemblance avec une culture commune et populaire, mais en même temps lartificialité lente et comme figée des postures, les ruptures inattendues, les hiatus spatiaux et temporels opèrent une déviation de toutes les attentes. Le spectateur cherche immanquablement à combler les lacunes, à élaborer une continuité là où elle fait défaut, à imaginer des causes et des motivations là où elles sont totalement absentes; mais la participation est elle-même multiple et fragmentaire, en aucun cas elle ne remplace cette totalité de luvre que Frédéric Moser et Philippe Schwinger sapent sur tous les plans: spatialement (en utilisant plusieurs écrans qui empêchent une vision englobante ou en construisant des décors qui multiplient les points de vue sur lécran), temporellement (lellipse est la figure de montage qui marque le plus leur style), et visuellement (en fractionnant les plans de limage, entre fonds et figures, par exemple, en renvoyant les regards hors du champ ou en multipliant arbitrairement les points de vues). Car nous ne sommes pas en présence des morceaux dun puzzle à reconstituer ou dénigmes à résoudre; nous franchissons sans cesse la fracture entre limpuissance de limage et son pouvoir de fascination, entre les plaisirs de distanciation lucide et les abîmes de lidentification. Il ny a pas de «bonnes manières» de voir les pièces de Frédéric Moser et Philippe Schwinger; seulement une (re)connaissance, peut-être affinée à chaque vision, des mécanismes esthétiques de limage et des élans affectifs du spectateur lun envers lautre.
Pour cette exposition, les artistes, le Centre pour limage contemporaine et le théâtre La Comédie coproduisent une uvre nouvelle «affection riposte». Il sagit dun travail qui prend pour point de départ un fragment de «Opening Night» de Cassavetes.En rejouant cette séquence filmique dans un décor construit sur la scène du théâtre avec des comédiens professionnels, cest la complexité des points de passage entre les mécanismes théâtraux dune situation de type mélodramatique et les mécanismes visuels de la dramatisation cinématographique qui sont au coeur du travail. Il ne sagit pas de reconstitution: le décor est certes reproduit, mais le découpage de la séquence est sujet à des modifications propres; de même, lattention portée aux personnages sera dictée par la performance des comédiens sur la scène, au moment du tournage. Frédéric Moser et Philippe Schwinger, qui ont dirigé durant plusieurs années un atelier de théâtre comptent ici sur lénergie propre du jeu sur scène pour «travailler de lintérieur une situation-type, entre théâtre de boulevard et psychodrame», et rendre visibles les stratégies de dramatisation et de manipulation des émotions.
Comédiens: Christine Brammeier, Sylvie Délèze, Maximilien Fuhrer, Alison Hirt, Brigitte Raoul, Yves Zagagnoni.
«Ici nous renversons nos règles habituelles délaboration, en prenant lespace scénique comme point de départ, dans sa matérialité, en allant filmer dans un théâtre. Paradoxalement, cest aussi avec ce travail que nous nous rapprochons de la forme cinématographique, car loin denregistrer une réprésentation, nous allons inventer un espace par limage, dans une écriture serrée des cadrages et de leur enchaînement. Et plutôt que de poursuivre linvestigation de la présence humaine en tant que figure, nous allons capter les actions des protagonistes, lénergie qui sen dégage, en suivant leurs mouvements, leurs déplacements incessants sur scène et hors scène. (...)
Le décor est posé, rideau levé, la situation a déjà cours. Nous sommes dans une chambre dhôtel, un couple, leurs enfants et des amis se préparent à sortir lorsquon frappe à la porte. Le garçon va ouvrir, une femme belle, dâge mûr se tient sur le seuil. Un peu surprise elle-même dêtre là, elle fait marche arrière, disparaît. Le père la reconnaît, la rappelle, part à sa recherche; sa femme linterpelle, le somme de revenir, sort à sa suite. Le père reviendra avec cette inconnue, lui présentera sa famille. La scène se poursuivra encore un temps, on apprendra que cette personne est son ex-femme. La tension sera forte, il y aura des altercations, des départs, des retours, un bal entre plateau et coulisses.
Cest une situation type entre théâtre de boulevard et psychodrame, que nous allons à peu près restituer, et en même temps dénaturer, travailler de lintérieur pour en faire ressortir la stratégie.
Nous nous placerons sur scène parmi les comédiens, dans les coulisses, derrière les pans du décor, face à la salle vide, prendrons des vues en oblique, ou par-dessus lépaule dun protagoniste. Nous serons sans cesse en dépalcement avec deux caméras (...) » Frédéric Moser et Philippe Schwinger.
Frédéric Moser et Philippe Schwinger sont nés en 1966/61 à Saint-Imier, Suisse. De 1988 à 1991, ils dirigent «latelier ici et maintenant», structure de théâtre indépendant à Lausanne. De 1993 à 1998, ils étudient à lEcole supérieure dart visuel de Genève. Ils vivent et travaillent à Genève.
Expositions personnelles
2001:
Centre pour limage contemporaine, Genève
Embrigadés, Galerie Skopia, Genève
2000:
Lux Gallrey, Londres
Galerie Institut - Horten, Dusseldorf
Dose miracle, Musées des beaux-arts, La Chaux-de-Fonds
1999:
Auf den Höhen, Museum zu Allerheiligen, Kunstverein, Schaffouse
Expositions collectives et festivals
2001:
VideoROM, Valencia Biennal, Valence
Art 32 Basel, Galerie Skopia, Bâle
Swiss Videos,Galerie Barbara Thumm-Angelika Richter, Rosso Bar, Venise
Analogue-Dialogue, Musée jurassien des Arts de Moutier et Kunstmuseum, Soleure
2000:
No vacancies, Internationale Ausstellung, Berlin
Out of Space, Kunstmuseum, Thoune
Screening, Artjunky, Leicester Square, Londres
Paroles, paroles, Kunsthalle Palazzo, Liestal
Prix fédéraux des beaux-arts, Fri-art, Fribourg
Dans le domaine du possible III, Centre PasquArt, Bienne
Lart dans le monde, Beaux-arts Magazine - Parkett, Pont Alexandre III, Paris
1999:
Prix fédéraux des beaux-arts, Kunsthalle, Zurich
# 1, Espace croisé, Lille
Habiter le monde, Alliance française, Montevideo
Another Swiss Panorama, Centre pour limage contemporaine, Genève
Xn99, (videostore II), espace des Arts, Châlon-sur-Saône
3e festival de lart en vidéo, (section vidéo suisse), Musée dart contemporain, Lyon
1998:
Dog Days Are Over (vidéothèque), Centre Culturel Suisse, Paris
Prix fédéraux des beaux-arts, Museum zu Allerheiligen, Schaffouse
Videostore, Bricks & Kicks, Vienne
Freie Sicht aufs Mittelmeer (video lounge), Kunsthaus, Zurich et Schirn Kunsthalle, Francfort
Not strictly private, Shed im Eisenwrk, Frauenfeld
Video Exhibition, Cultural Foundation, Abu Dhabi
1997:
7e Semaine Internationale de Vidéo, Centre pour limage contemporaine, Genève
Video art.on.line, Palazzo della Ragione, Cannobio
Limmagine leggera, International Videoart Festival, Sezioni video svizzera, Palermo
Not enough tv, Moving art studio, Bruxelles
Internationaler Videokunstpreis 97, ZKM, Karlsruhe et diffusion tv sur SWF3, ORF2, WDR
Zu Gast im Erfrischungsraum, Schule für Gestaltung, Lucerne
1996:
Medienkunst, Szene Schweiz, Kunstraum, Dusseldorf
Media-Skulptur Szene Schweiz, Kunsthaus, Langenthal
European Media Art Festival, Osnabruck
1995:
Programme vidéo, Low Bet, Genève
Prix et distinctions
Bourse de travail à lAcadémie Schloss Solitude de Stuttgart (2001-2002). Attribution par la Ville de Genève dun atelier à lUsine (2001-03). Prix Providentia Young Art 2000. Prix fédéral des beaux-arts (2000; 1999; 1998). Attribution par la Ville de Genève dun atelier à la Maison des Arts du Grutli (1999-2000). Prix du Fonds cantonal de décoration et dart visuel de lEtat de Genève, 1998. Werkstipendium, videOst, Frauenfeld, 1997.
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